Je l'ai rencontré sur une aire de jeux, il grimpait avec agilité malgré sa petite taille. Mon petit fils de cinq ans, qui dit avoir la force de spiderman, n'en revenait pas, le mur d'escalade ne posait aucun problème à cet enfant... quel est ton prénom ? c'était Raphaël, il le dit sans me regarder, en saisissant une corde pour monter encore plus haut. Tu vois Alexis, essaye de prendre la corde comme le fait Raphaël - ils ont joué tous deux, mais cet enfant était terriblement sérieux, sans doute un effet des lunettes qu'il portait, il ne jouait pas, il luttait contre la pesanteur ou contre autre chose. Sur un banc deux personnes âgées attendaient à l'ombre d'un tilleul, le petit est parti vers eux pour revenir avec une petite tartelette aux fruits qu'il a offerte à Alexis. En remerciant les grands parents ceux-ci m'ont raconté, sans que je la sollicite, la jeune histoire de cet enfant. Il est plutôt doué, compte jusqu'à trente et commence à écrire son nom, pourtant il n'a plus sa mère, morte d'avoir trop fréquenté la rue, tandis que le père semble perdu dans l'alcool. Ce sont les vieux parents qui s'en occupent bien que le grand-père soit invalide depuis l'âge de trente-sept ans, suite à un accident du travail. Ils m'ont tout raconté, un peu en français, puis en geste et enfin en portugais, comme pour se soulager; j'ai regardé ensuite cet enfant d'un autre oeil et lui aussi, peut-être avait-il compris que maintenant je savais. En partant on s'est dit à bientôt et j'ai murmuré mentalement, "bordel d'ascenseur social ! pourvu que quelqu'un réussisse à le réparer à temps, pour donner à ce petit bonhomme la chance qui a manqué aux parents"
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